2021 : quelle ambition pour loutre-mer ?
Lannée est entamée depuis un mois et jai longuement réfléchi avant de concrétiser ce que je voulais nous souhaiter, à nous les ultramarins, pour cette année 2021. Une année pleine daudace et de réussite, oui ! Ceux dentre vous qui ont vu la carte sur les réseaux sociaux ou lont reçue, auront pu constater ma volonté de porter un message despoir à travers ce dessin de Souch qui a accepté pour la deuxième année consécutive de travailler avec Convictions. Je précise que cest assez symbolique pour moi de faire appel au dessin de presse car il est trop souvent lobjet dattaques ou de tentatives de censure. Dans quel monde vivrions-nous si une religion ou un groupe de personnes pouvait décider de quoi nous avons le droit de rire ou non ? Alors cest notre manière, chez Convictions, de montrer notre soutien total et inconditionnel à la liberté dexpression en général et à la liberté de la presse en particulier.
Je me pose donc la question : quelle ambition porter pour loutre-mer français ? Les critères géographiques, climatologiques, démographiques, nous rapprochent mais nos territoires ont tous connu des développements bien différents au cours de ces dernières décennies. Tant et si bien quil est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles les dispositifs et politiques sont réfléchis et appliqués de manière quasi égale dans lensemble des DROM. Par exemple, le dispositif dexonération de cotisations dit "Lodeom" pour les entreprises situées en Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion : à quelques très petites exceptions près, le barème de compétitivité renforcée est basé sur les mêmes critères dans chacun de ces territoires. Or, chacun de ces territoires a des besoins spécifiques : par exemple, selon les indicateurs de nombre de lits et nombre de médecins par habitant qui sont reconnus pour évaluer loffre de soins dun territoire, La Réunion et la Guyane sont bien en deçà des besoins et de la moyenne nationale. Néanmoins, la santé nest pas placée en compétitivité renforcée dans aucun de ces deux territoires malgré le soutien des parlementaires.
Quelle ambition, donc ? En novembre dernier le rapport dinformation sur lenvironnement international des Outre-mer de Annie Chapelier et Bérengère Poletti, a été présenté à la Commission des Affaires étrangères de lAssemblée nationale (note d'information). Assez complet, il compte près dune trentaine de propositions quil faudrait certes affiner mais qui ont le mérite dexister et de soulever la question de lavenir de loutre-mer français dans chacun des bassins de développement quil occupe. En le lisant jai néanmoins eu la sensation que chacun et chacune dentre nous étaient déjà conscients que nos territoires pourraient devenir des piliers environnementaux, sanitaires, universitaires ou encore dans la recherche dans leur bassin géographique respectif. Peut-être est-ce là une ambition que nous pouvons porter : se développer avec nos voisins. Loutre-mer permettra ainsi fièrement à la France et à lEurope de rayonner en exportant et partageant son savoir-faire. Nous pouvons dailleurs saluer lIRD dont le projet sur Technique de lInsecte Stérile (TIS). La technique permettra, nous lespérons, de réduire les populations de « moustiques-tigres » au cours des générations suivantes, diminuant ainsi le risque de transmission de maladies chez les humains. Cette stratégie innovante permet de contrôler uniquement les espèces ciblées, donc de façon plus respectueuse de lenvironnement, plus pérenne. Lexpérience est exhaustivement documentée (aux niveaux scientifique, institutionnel et de communication), afin dassurer sa transférabilité à d'autres contextes en cas de réussite. Un bel exemple parmi dautres de ce que loutre-mer peut apporter.
En revanche, je souhaiterais également procéder à une analyse « interne » de nos points damélioration. Soyons réalistes, de très beaux projets sont portés en outre-mer : innovation, créativité, envie, rien ne manque Alors peut-être pourrions-nous regarder du côté de la solidarité ? Je parle de celle entre nous, les acteurs locaux. Accepter que parfois une mesure sera bonne pour lautre mais pas immédiatement ou tant que ça pour moi Tout en sachant que pour un microcosme comme un territoire ultramarin, ce qui est bon pour toi sera par extension indirectement bon pour moi. À linstar des filières animales réunionnaises par exemple, qui ont mis en place une véritable instance de concertation depuis la fin des années 70, un système réunissant lensemble des acteurs de chacune des filières délevage : les producteurs, les provendiers, les transformateurs, les importateurs, les distributeurs et lÉtat. Lindustrie agroalimentaire réunionnaise dans son ensemble avec le label de la Production locale réunie ou lUGPBAN ('Union des Groupements de Producteurs de Bananes de Guadeloupe et Martinique) nous montrent lexemple et les bénéfices que nous pouvons tirer dune véritable solidarité entre tous les acteurs dun même territoire ou « intra-ultramarins ».
Les batailles de clochers nous divisent et nous font perdre de lénergie alors même que certains départements doutre-mer font face à des problèmes de fonds extrêmement graves comme linsécurité, chaque fois un peu plus incontrôlable à Mayotte. Alors, bien loin de la vision terre à terre qui consisterait à nous souhaiter tout simplement de sortir au plus vite et le mieux possible de cette crise sanitaire dévastatrice, jai envie de regarder plus loin et porter cette ambition de solidarité ultramarine qui permettra à chacun des acteurs de se développer au niveau local mais également régional.
On y va ?
Ophélie Ferrare
Directrice associée Convictions Affaires Publiques